Les frères Menendez libérés grâce à une série Netflix ?
De Rage (Stephen King) à Monstres (Ryan Murphy) : la fiction peut aussi influencer la réalité.
Nous clôturons le mois de janvier avec une chaude actualité de la pop culture : une affaire judiciaire dont les échos se font à la fois dans les médias et sur les réseaux sociaux, probablement à l’initiative de la grande plateforme de streaming Netflix.
Après avoir lu
dans la première édition puis dans la deuxième, découvrez dans ce troisième article !A nos 16 premier·es lecteur·ices, bonne lecture 😽
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Ce livre a-t-il créé des tueurs ?
Vous connaissez sans doute cette histoire, mais elle fera une introduction parfaite au sujet de cet article sur l’influence de la fiction sur la réalité. Alors je me dois de vous la raconter.
On a l’habitude des écrans noirs avertissant que “L’histoire est inspirée de faits réels”. L’inverse existe aussi.
Entre 1988 et 1997, cinq cas de tuerie de masse en établissement scolaire aux États Unis ont attiré l’attention. Pourquoi ? Parce qu’elles étaient à l’initiative d’adolescents perturbés et que chacun d’entre eux avait lu au moins une fois Rage, le tout premier roman de Richard Bachman (alias Stephen King).
Forcément, ce genre de controverse a un pouvoir d’attraction immense parce que l’humanité est avide d’horreur.
Mais pour les moins sadiques d’entre vous, je vais vous expliquer succinctement de quoi il s’agit, et sans spoiler.
Neuf heure cinq. L’écureuil cavale sur la pelouse. Dans la salle 16, Mme Underwood donne son cours d’algèbre… “Si l’on augmente le nombre de variables, les axiomes eux-mêmes restent valides…” L’interphone crache alors une giclée de mots-requins. Charles Decker est convoqué chez le directeur
Neuf heures vingt. Après un entretien destroy, Charly met le feu aux vestiaires. Dans les marais puants de son subconscient, son dinosaure personnel patauge avec rage. Charly ouvre la porte de sa classe, tire sur son prof, qui s’effondre. Exit. Tuée sur le coup. Charly se sent merveilleusement bien. Il est allé jusqu’au bout…
Neuf heure cinquante. Océan de silence dans la classe prise en otage. Charly se prépare pour le sprint final. Psychodrame et lavage de cerveau. Tout le monde va passer à la moulinette…
Ca c’est la quatrième de couverture de l’édition française de 1990. Je crois qu’on sera tous d’accord pour dire que cet objet de 250 pages n’est pas à mettre entre toutes les mains. Quelques années après sa sortie, il a eu l’effet d’une bombe à retardement.
Mais Stephen King s’est défendu. Ses mots ne sont pas responsables des maux du pays qui autorise le port d’arme sur permis, parfois dès 18 ans, et facilite leur achat. Sur ce coup là, à mon avis, l’auteur a plutôt été victime de son talent pour écrire des personnages à la psychologie réaliste et palpable.
Rage est une fenêtre sur l’esprit désabusé d’un adolescent malade.
Le jour où je suis vraiment allé jusqu’au bout, il faisait drôlement beau ; oui, une belle matinée de mai. […] Du mieux que je m’en souvienne, c’est à peu près l’époque où j’ai commencé à perdre la boule.
A la première personne du singulier, Charly nous raconte l’état d’esprit dans lequel il était avant, pendant et après avoir commis son horrible crime. Il en parle comme il le ferait à un psychologue, sans forcément s’analyser, mais simplement comme il l’a vécu.
C’est l’interview fictive d’un tueur. Et elle a entraîné l’arrêt de la publication de Rage aux États-Unis, faisant de cette œuvre un objet de collection qui s’arrache (encore) à prix d’or de l’autre côté de l’Atlantique et même en France !
Personnellement, j’ai trouvé mon exemplaire d’occasion chez un bouquiniste pour 3 €. Un coup de bol, on peut le dire. Je ne risque pas de m’en séparer.
Une série Netflix pour libérer des assassins ?
Fin 2024, Monsters: The Lyle and Erik Menendez Story est la série la plus regardée dans le monde sur Netflix. Elle raconte l'histoire troublante de deux frères ayant été condamnés en 1996 pour le meurtre de leurs parents.
A la manière dont Rage a laissé une trace dans la réalité, que ce roman ait ou non été à l’initiative de meurtres, la saison 2 de Monstres fera peut-être date dans l’histoire juridique des États-Unis, dans notre bonne vieille réalité.
Je vous réexplique tout depuis le début, mais rapidement, parce que cette affaire c’est 35 ans d’histoire.
Lyle et Erik sont les fils d’un couple riche et populaire : José Menendez est un ancien sportif devenu directeur d’énormes entreprises dont Hertz (entreprise américaine de location de véhicules) dans les années 80 ; Mary Louise dite « Kitty » Menendez reine de beauté de l'Illinois et professeur en retraite anticipée.
Les deux frères ont tout pour être heureux, en apparence en tout cas. Mais le 18 août 1989 ils se procurent des armes à feu via un détour illégal et tuent leurs parents le 20 août, un dimanche soir.
C’est le début d’une affaire où la vérité est difficile à saisir, tant la version de la défense varie :
Lyle et Erik profitent des 14 millions d’euros d’héritage et accusent la mafia d’avoir assassiné leurs parents
Après leur arrestation, il continuent de nier leur culpabilité alors qu’Erik a tout avoué à son psychologue qui enregistrait leurs conversations
Alors les frères avouent les avoir tué mais invoquent la légitime défense, car leurs parents prévoyaient de se débarrasser d’eux
Jusqu’à ce qu’ils dévoilent, au procès, avoir tout les deux été victimes d’inceste, dans l’indifférence de leur mère
Ils sont finalement condamnés à perpétuité, sans possibilité de liberté conditionnelle, pour meurtre avec préméditation.
Et c’est plus ou moins ce que Ryan Murphy a décidé de mettre en image l’an dernier dans une série esthétiquement léchée. Plus ou moins, car comme toute œuvre de fiction, elle prend des libertés.
Si cette série a fait sensation, c’est en partie parce qu’elle fait des meurtriers des personnes séduisantes, mystérieuses, mais aussi humaines et sympathiques. La nuance les rend “attachants” en quelque sorte.
Sans compter que 35 ans se sont écoulés depuis la condamnation judiciaire qui n’a pas pris en compte la maltraitance des parents à l’époque.
Alors, l’évolution sociétale quant à la conscientisation des violences sexuelles - notamment dans les familles - ainsi que la sortie consécutive d’une série de fiction et d’une série documentaire sur Netflix ont eu deux effets sur notre réalité :
1. L’opinion publique a changé : les Menendez ont la sympathie des gens et de certaines stars comme Kim Kardashian.
« Les médias ont fait de ces frères des monstres – deux gosses riches, arrogants vivant à Beverly Hills et qui ont tué leurs parents par cupidité. Il n’y avait pas de place pour de l’empathie, ou même pour de la sympathie. » (Paris Match)
2. La justice est prête à faire machine arrière. Le procureur souhaite réexaminer l’affaire et l’avocat des deux frères demande à ce qu’ils soient graciés.
Le juge a prolongé le suspense lundi, en refusant de se prononcer sur cette demande. Il a fixé une nouvelle audience aux 30 et 31 janvier. "Nous espérons qu'à la fin de cette période ou un peu plus tôt, nous obtiendrons la libération des frères Menendez”, a déclaré leur avocat Mark Geragos, à la sortie du tribunal. (BFMTV)
Une audience se tient en ce jour même, le 31 janvier 2025, et elle pourrait signer la future libération des frères Menendez. Croyez bien que j’ai l’intention de suivre cette actualité. Je vous invite à me suivre sur Substack (
) ou Instagram (@a.b.auteure) pour lire la suite de cette affaire.Sinon, je vous dit à bientôt ici !
Avant de découvrir la série, je ne connaissais que vaguement l'affaire des frères Menendez. Et même si c'est glauque, j'avoue que l'histoire m'a fasciné. Très souvent, je check s'il y a du nouveau concernant l'update judiciaire. Ce serait fou qu'ils soient libérés grâce à la série (et au vu des témoignages de leurs cousin.es et d'autres victimes sur leur père, pas complètement injustifié).
C'est fou quand même cette histoire, moi aussi je vais suivre ce qui va se passer aujourd'hui !