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From : voyage au bout du jour (parce que voyage au bout de la nuit, c’était déjà pris)
La dernière grande série culte, qui déchaina les passions durant 8 saisons, fut « le jeu des trônes ». Pas le programme documentaire présenté par le sympathique Bruno Solo, nous parlons bien de Game of Thrones ou la saga du Trône de fer romancée par George R.R. Martin et adaptée par David Benioff et DB Weiss de manière spectaculaire pour la chaîne HBO (prestigieuse chaîne de télévision payante américaine qui a commis d’autres chefs d’œuvres télévisuels du type Six Feet Under, Les Sopranos ou encore Sur écoute).
Dans cette décennie marquée par la migration des productions sérielles, feuilletonnesques ou autres vers les plateformes de streaming vidéo, nous avons assisté à une explosion du nombre de programmes à l’international – les meilleurs séries contemporaines ne viennent plus nécessairement de l’autre côté de l’Atlantique – à un bouleversement du calendrier fictionnel habituel, puisque de nouvelles séries sont disponibles 12 mois par an et à des changements de consommation de la part des téléspectateurs aux 4 coins du globe.
Pourtant, des candidates au titre de série culte, il y en a quelques-unes, pas vraiment moins qu’avant, mais écrites, réalisées et produites différemment. Parmi les remplaçantes potentielles, il y a quelques descendantes made in HBO, comme Westworld, sublime mais trop alambiquée pour le public pour être populaire, le phénomène Stranger Things, plus populaire mais qui croule sous le poids de références eighties trop évidentes d’une part, et d’autre part la série n’est pas achevée au moment de la rédaction de cet article, ou sa fausse version allemande, Dark, entortillée mais passionnante de bout en bout. Ces deux dernières illustrent bien le savoir-faire Netflix qui fut la première plateforme à proposer le plus souvent des séries dans leur globalité. D’où le terme binge-watching !
Il y en d’autres, beaucoup plus récentes, qui deviendront des séries cultes plus tard : certaines séries « parfaites » du catalogue Apple TV, parmi lesquels Severance ou Ted Lasso, quelques « belles anglaises » comme Peaky Blinders, dont on attend un film de conclusion, ou la sous-estimée Utopia, recopiée par David Fincher pour Amazon Prime, les nouvellement adaptés – Fallout, The Last of Us, Silo ou Tales from the Loop – ou dans le genre « sa Majesté des mouches » Yellowjackets, que personne n’a vu en dehors des abonnés de Canal+ (ou Paramount+ en décalé).
Alors, dans un contexte où les plateformes de streaming vidéo ont fini par démoder les bonnes vieilles chaînes de télévision traditionnelles et pourraient même causer leur arrêt de mort, penchons-nous sur l’une des représentantes du modèle de la « Peak TV » sous le feu des projecteurs médiatiques avec la diffusion sur Paramount+ de sa troisième saison, celle qu’on présente comme la digne héritière de la série Lost, les disparus, alias From.
Alors méconnus du grand public, les frères Duffer – les auteurs de Stranger Things – travaillent aux côtés de l’écrivain Blake Crouch et du réalisateur Night Shyamalan sur l’adaptation télévisuelle des romans du premier, Wayward Pines.
Diffusé sur le réseau Fox, le récit feuilletonnesque comprenant deux saisons de dix épisodes traite de l’arrivée d’un agent spécial des services secrets américains après un accident de voiture dans une mystérieuse ville, Wayward Pines, qu’il est impossible de quitter et d’où on ne peut communiquer avec l’extérieur. Piégé, il essaiera de découvrir les secrets de la petite bourgade, et quand il met à jour le cadavre mutilé d’un des agents qu’il recherchait avant son arrivée, l’étrangeté cède la place à un danger mortel.
Certains des éléments clés de l’intrigue – une petite ville américaine, des habitants cachant des secrets, des expériences menées par le gouvernement américain, des monstres – seront repris par les Duffer au moment de créer leur propre show. Le résultat de leur travail deviendra l’une des séries les plus populaires de ces dernières années, lancera définitivement leur carrière, et illustrera le succès d’une nouvelle génération de séries, produites pour et par les plateformes.
Depuis, chaque grande compagnie spécialisée dans la production audiovisuelle cherche à produire le prochain hit, et ainsi, à faire venir de nouveaux abonnés au sein de leurs services de streaming.
Précédées de critiques élogieuses, From est une série d’horreur à haut concept racontant l’histoire d’une mystérieuse petite ville (comme Stranger Things ou Wayward Pines) dont les habitants-prisonniers tentent de survivre aux attaques de créatures une fois la nuit tombée.
Trailer de la saison 1 de From
Diffusé la première fois le 22 février 2022, le feuilleton d’horreur créé par John Griffin possède-t-il réellement les qualités qu’on lui prête pour devenir la prochaine série phénomène, du type Stranger Things, ou plus encore, une série culte dont on reparlera pendant longtemps ? Attardons-nous sur le pilote de la série pour voir si les auteurs, John Griffin en tête, ont semé les graines d’un bon incipit.
Les éléments indispensables qui vont nous guider pour évaluer les premiers battements de cœur de From sont au nombre de quatre :
Les personnages sont-ils convaincants ? Possèdent-ils des désirs, des objectifs et des défauts clairs ? Les personnages doivent faire face à des défis intéressants qui nous aident à les soutenir.
Est-ce que la prémisse est intrigante ? Le conflit ou situation centrale qui anime la série suscite-t-il la curiosité ? Est-ce que le pilote prépare le terrain pour les futures intrigues ?
L’univers de la série est-il fascinant ? La présentation du monde de la série doit être originale, sembler nouvelle au spectateur et inviter à l’exploration.
Y a-t-il une connexion émotionnelle ? Les bons pilotes ne se contentent pas de nous divertir. Ils nous font ressentir des émotions. Ils peuvent nous faire rire jusqu'à en avoir mal aux côtes, nous faire peur ou nous faire réfléchir aux grandes questions de la vie.
Il y a beaucoup à dire sur cet épisode d’introduction – Voyage au bout du jour – qui ne correspond pas aux standards d’autrefois, puisque le pilote a été écrit, produit et réalisé alors qu’une saison complète de 10 épisodes avait déjà été commandée.
Le sujet n’a rien d’original pour la télévision américaine, celui de la petite ville perdue au milieu de nulle part, théâtre d’évènements étranges ou de phénomènes surnaturels. C’était déjà le cas de Mystères à Twin Peaks en 1989 – qui reste la référence encore aujourd’hui - d’American Gothic au milieu des années 90, injustement annulé au bout de 13 épisodes, ou plus tard, au début du nouveau millénaire, de Castle Rock, réinvention audiovisuelle de l’univers fictionnel du Roi Stephen – alias Stephen King – qui ré-utilisait des personnages issus de ses romans pour raconter, sous un nouveau jour, les classiques du maître.
Construit avec une structure classique en 3 actes – avec un début, un milieu et une fin se clôturant sur un cliffhanger de circonstance – ce premier épisode se distingue de la norme par son atmosphère angoissante, par la pluralité de son casting (aussi bien par le nombre de protagonistes appelés à tenir un rôle important qu’à leurs origines ethniques, avec quelques détails qui rappellent encore une fois Lost, les disparus) et par une mythologie émergente, intrigante et prometteuse.
Dans la première partie, trop courte et très gore, la peur ne vous quitte jamais, surtout quand la nuit tombe avec ces créatures qui débarquent de nulle part, évoquant certaines scènes de La Nuit des Morts-Vivants de Georges Romero. Lettre d’amour aux mauvais genres, cet incipit constitue toutefois une invitation au voyage dans les ténèbres prometteur. Mais si notre curiosité est vite piquée, ce Voyage au bout de la nuit du jour s’avère plus tard un voyage au bout de l’ennui.
L’acte d’exposition effrayant et intrigant remplit tout à fait son rôle, posant les premières pierres d’une série fantastique comme on en a pas vu depuis longtemps, avec son village fantôme et ses résidents-prisonniers, la présence de mystérieuses créatures, errant ici ou là dans la nuit puis dialoguant comme si de rien n’était avec leurs proies. Les indices disposés ici ou là – les amulettes protectrices, le deuil portée par la famille Matthews et leurs dissensions durant le voyage familial, l’origine des tensions entre Boyd Stevens et son fils, le meurtre de Sarah vis-à-vis d’un des nouveaux arrivants, responsable et victime de l’accident provoquée à la fin du deuxième acte – tissent une première toile qui séduit et suscite l’espoir qu’un grand mystère narratif a pris forme sous nos yeux. La comparaison avec une œuvre matricielle comme Lost, les disparus n’est peut-être pas usurpée. Un puzzle narratif prend forme sous nos yeux, mais il faudra s’armer de patience pour rassembler toutes les pièces et comprendre le récit feuilletonnesque dans sa globalité.
Toutefois, les premières arches narratives mises en places puis développées dans l’acte 2 , le développement dramatique, sont fragiles – l’arrivée de la famille endeuillée, la fin d’une période de 97 jours sans morts annonçant le commencement d’un nouveau cycle, funeste – et l’ensemble finit par se fissurer peu à peu lorsque nous faisons plus ample connaissance avec les différents membres du casting. L’équilibre établi jusqu’ici finit par basculer à la fin du deuxième acte dramatique. L’expérience émotionnelle s ‘avère décevante pour les téléspectateurs que nous sommes.
Les thèmes suggérés paraissaient plutôt solides. Celui de l’espoir, illustré par le générique, est l’une des clés pour adhérer à la série. Celui de la vie en communauté, et de la survie en général, sont tout aussi intéressants. Le rapport à la famille est lui beaucoup moins original, et au final, moins touchant. Mais les personnages sont unidimensionnels, voire insignifiants : le meilleur personnage de la série, Victor, n’est pas présent dans ce pilote, Jade n'apparaît que dans le dernier tiers, et Harold Perrineau en fait beaucoup (trop) pour établir une véritable connexion avec les spectateurs.
Dans son ensemble, ce début ne convainc pas totalement, il est approximatif, voire paresseux. Plus encore, il dilue les qualités évidentes de la série – son amour pour la fiction d’épouvante, l’ambition de faire peur en développant un récit original, un embryon de mythologie prometteur – et illustre les défauts évidents de la série observés depuis 3 saisons.
Pour se réconcilier avec le phénomène sériel, il faudra attendre le lancement de la deuxième saison de Silo, adaptation brillante du roman d’Hugh Howey proposée sur la plateforme Apple TV, la meilleure du marché. Mais ça, on vous le racontera dans une prochaine histoire fantastique.
Vous voulez échanger avec nous sur la série From ? Nous dire quelles sont vos séries cultes ? Laissez nous un commentaire 👾
Merci pour cette analyse, que pensez vous de la série Breaking Bad, j'aimerais avoir votre avis (en article si possible), Merci.